Destiné pour le coworking, l’open space est devenu un mode d’aménagement des bureaux de plus en plus populaire ces dernières années. Présenté comme un moyen de favoriser la communication et la collaboration, il est souvent considéré comme un environnement de travail moderne et dynamique. De nombreuses études et témoignages suggèrent qu’il peut toutefois avoir un impact négatif. L’open space : une entrave à la productivité personnelle ?
Sommaire
Les origines et l’évolution de l’open space : de 1950 à 2024
L’histoire de l’open space trouve ses racines dans les années 1950 avec l’initiative du Bureau Landschaft. Celui-ci se voit dirigé par l’architecte allemand Ernst von Ihne. Le concept visait à rompre avec les traditionnelles salles de bureaux compartimentées. Il favorise plutôt des espaces de travail ouverts et sans cloisons. L’objectif était de créer des environnements de travail plus fluides et dynamiques, où la communication et la collaboration seraient facilitées. Cette approche s’inscrivait dans un mouvement plus large de modernisation et d’optimisation des espaces de travail. Elle était inspirée par les idéaux de la fonctionnalité et de l’efficacité.
L’essor des open spaces se voit dans les années 1960 et 1970. Elle gagne en popularité, notamment aux États-Unis, où des entreprises comme IBM ont commencé à adopter ce modèle. Les années 1960 voient l’essor des premiers bureaux ouverts, avec l’intention de maximiser l’espace et de promouvoir. Cette période a également été marquée par l’influence des mouvements de l’architecture moderne, prônant des espaces de travail modulables et collaboratifs. Les open spaces étaient alors perçus comme un moyen d’encourager la créativité et l’innovation. Elles brisent les barrières physiques entre les différents départements et niveaux hiérarchiques.
Avec l’avènement des technologies de l’information et de la communication dans les années 1980 et 1990, l’open space prend une nouvelle dimension. Les entreprises technologiques, en particulier, adoptent ce modèle comme symbole de modernité et d’innovation. Des géants comme Google, Microsoft et Apple investissent dans des bureaux ouverts, pensés pour encourager l’échange d’idées. Les espaces étaient souvent agrémentés de mobilier contemporain et de zones de détente. Cela reflète tant une culture d’entreprise jeune et dynamique.
Malgré ces intentions louables, les premiers signes de déception ne tardent pas à apparaître. Les chercheurs et les psychologues du travail constatent plusieurs facteurs nuisant à la productivité et au bien-être des employés.
Impact sur la concentration et la productivité
Bruits et distractions
L’un des principaux inconvénients de l’open space est le bruit constant et les distractions incessantes. Les bruits ambiants, les conversations des collègues et les interruptions impromptues perturbent le flux de travail. Ils rendent difficile la concentration sur des tâches complexes.
Il est vrai que le niveau sonore dans un open space est inférieur au seuil d’alerte de 80 dB (A). Des mesures régulières effectuées par l’INRS (Institut national de Recherche et de Sécurité) révèlent des niveaux de bruit ambiant allant de 50 à 60 dB (A). Ils peuvent atteindre 70 dB (A) sur 8 heures avec un casque téléphonique.
L’INRS a utilisé le questionnaire GABO (Gêne Acoustique dans les Bureaux Ouverts) pour interroger plus de 1000 employés sur leur perception de leur environnement de travail. Les résultats montrent que l’environnement de travail est jugé moyennement satisfaisant. En particulier en ce qui concerne l’ambiance sonore. Parmi toutes les sources de bruit, les conversations intelligibles sont celles qui posent le plus de problèmes. Bien que seulement 10 % des employés se disent très sensibles au bruit de manière générale, 21 % d’entre eux expriment un souhait. Celui de retourner dans un bureau individuel ou un bureau partagé avec 2-3 personnes au maximum en raison de la gêne ressentie.
L’interruption peut ne durer que quelques secondes, mais ses effets mettent souvent beaucoup de temps à disparaître. Ce n’est pas seulement une question de perte de temps ou de frustration. Il y a aussi un impact significatif sur les revenus de l’entreprise lorsque toutes ces interruptions au travail s’additionnent. Une étude a démontré que les employés travaillant dans des métiers nécessitant une intense utilisation des connaissances sont interrompus en moyenne 15 fois par heure. Soit une interruption toutes les quatre minutes. Quel est l’impact financier ? En additionnant les chiffres, les interruptions coûtent aux entreprises mondiales environ 58 milliards d’euros chaque année.
Manque d’intimité
L’absence de cloisonnement dans un open space entraîne également un manque d’intimité. Ce manque d’espace personnel peut accroître le stress et l’anxiété des employés. Dans un environnement ouvert, tout le monde peut voir ce que font leurs collègues, supérieurs ou subordonnés. Cette absence d’intimité peut être difficile pour les employés. Certains se sentent surveillés en permanence, surtout par leurs supérieurs hiérarchiques. Voici quelques conséquences notables :
- Génère du stress et de l’inconfort ;
- Accrois la pression ressentie ;
- Affecte le bien-être et la productivité.
Une vraie réflexion à mener quand on sait que, selon une étude américaine de l’agence d’architecture Gensler, l’open space entraînerait une baisse de productivité de plus de 60 %. En cause, « la fatigue, les difficultés de concentration, mais aussi le nivellement des statuts qui érode la motivation », avance le psychanalyste Franck Girard.
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Effets sur la santé mentale
Le sentiment d’être constamment observé représente, en effet, un autre facteur de stress dans un open space. Les employés peuvent ressentir une pression accrue pour être toujours actifs et productifs, ce qui peut mener à un épuisement professionnel.
Lors de la 54e soirée d’échanges cliniques organisée au CHSA (Centre Hospitalier Saint-Anne) avec la participation de psychologues et d’experts en risques psychosociaux, une discussion a été lancée. Les professionnels se sont particulièrement intéressés au concept de bureau panoptique (ou open space).
« C’est à se demander si pareil dysfonctionnement ne revient au final pas plus cher que les économies réalisées. Le salarié tombant plus facilement malade à force de se sentir “effracté” par d’autres sujets, ou du moins objet du regard scrutateur de l’autre. On en arrive à des comportements phobiques générateurs d’agressivité », s’interroge Dario Morales, psychanalyste. De plus en plus souvent, les psychologues constatent que des salariés viennent les consulter. La raison : leur malaise face à la proximité et au manque d’intimité dans leur espace de travail.
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Collaboration et communication : une réalité mitigée
Bien que l’open space soit censé favoriser la collaboration, les preuves suggèrent le contraire. Elles remettent en question son efficacité pour encourager une meilleure collaboration. Une étude de Stephen Turban et Ethan Bernstein, professeurs à la prestigieuse Harvard Business School fait une révélation choc. Elle va complètement à l’opposé de l’essence du concept. L’open space favorise les discussions électroniques par mail et messagerie instantanée, au détriment des conversations en face à face.
Cette préférence pour les échanges numériques peut diminuer la qualité des interactions. Elle limite les opportunités de conversations plus profondes et spontanées. Des éléments essentiels pour une collaboration authentique et créative. Ainsi, bien que conçu pour promouvoir la collaboration, l’open space soulève des questions sur son efficacité réelle dans la pratique.
Alternatives et solutions pour améliorer la productivité
Pour atténuer les inconvénients de l’open space, de nombreuses entreprises optent pour des espaces de travail hybrides. Ces environnements combinent des zones ouvertes pour la collaboration avec des bureaux fermés ou des cabines pour les tâches nécessitant une concentration. Ces espaces de travail flexibles peuvent augmenter la satisfaction des employés et leur productivité.
Investir dans des solutions acoustiques, telles que des panneaux insonorisants et des casques antibruit, peut également réduire les nuisances sonores en open space. Ces aménagements peuvent considérablement améliorer la concentration et le confort des employés.
Travailler en open space, pas toujours une bonne idée ?
L’open space, malgré ses bonnes intentions, présente de nombreux défis qui peuvent entraver la productivité personnelle. Les preuves scientifiques et les témoignages des employés suggèrent que le bruit, les distractions et le manque d’intimité sont des obstacles majeurs à un travail efficace.
Pour surmonter ces défis, les entreprises doivent envisager des aménagements hybrides. Les politiques de télétravail et les améliorations acoustiques sont aussi des alternatives. En adaptant les environnements de travail aux besoins des employés, il est possible de concilier collaboration et concentration. À la clé : une meilleure productivité et une satisfaction au travail.
Voici les chiffres officiels du ministère du Travail en France sur l’open space :
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