Jean-Claude Anaf est un homme de transition qui prend l’initiative de changer ce qui doit l’être sans attendre qu’il soit trop tard. Mais, en homme d’équilibre, il demeure parallèlement fidèle à des méthodes, dans les habitudes et l’esprit de sa clientèle lyonnaise. A la veille de la grande MUE (Marché unique européen), il vient, avec une audace folle, de se doter d’un outil aussi beau que performant.
Sommaire
Les Origines de la gare
La gare des Brotteaux, à Lyon, était un nœud de communications depuis plus d’un siècle. Fermé en juin 1983 à la suite de l’inauguration de la gare de la Part- Dieu, ce monument historique, classé depuis 1903, appartenait à la SNCF qui n’en voulait plus, alors que la ville n’en voulait pas. Il trouve sa nouvelle voie, avec Jean-Claude Anaf qui, en juin 1988, rachète la salle des pas perdus et les deux étages situés au-dessus. Un restaurant gastronomique et d’autres magasins et bureaux viennent s’adjoindre à ce nouvel hôtel des ventes pour constituer un complexe dont la conception a été confiée à l’architecte Yves Heskia, sous l’autorité de Didier Repellin, architecte en chef des Monuments historiques, chargé des travaux concernant les parties classées du bâtiment, l’architecture d’intérieur ayant été assurée par Jack Azzario et Jean- Pierre Bianca-Maria.
En la regardant aujourd’hui, on ne peut s’empêcher d’évoquer Orsay. Mais là, outre la taille plus humaine, le mouvement des trains qui la jouxtent toujours l’anime, donnant un petit air d’histoire vécue à ce lieu. Dans la salle des pas perdus, un espace modulable en fonction des ventes qui s’y déroulent. Pour les temps forts, la salle s’ouvre entièrement. Pouvant en effet s’étendre sur 820m2, un dispositif d’éléments mobiles permet, pour les ventes de moindre envergure, de recomposer l’espace tant dans sa hauteur que dans sa largeur et dans sa longueur.
Un splendide Hôtel des ventes
Au-dessus, le commissaire-priseur a fait aménager 200 m2 de bureaux dotés des équipements les plus sophistiqués. L’ensemble, y compris les réserves, offre un volume de 12 000 m3.
En outre, dans les espaces aménagés dans le reste de la gare doivent s’installer des cabinets d’assurances et des cabinets d’avocats qui, avec l’organisation de transport des objets prévue, permettent en un seul lieu de fournir une prestation complète.
L’ancienne salle des pas perdus a été repeinte dans ses couleurs d’origine, et les deux fresques monumentales qui l’ornent, Marseille par C. Lacour et Le lac Léman par A. Barbier, ont été entièrement restaurées. Ce qui, parallèlement aux grands écrans et tableaux de conversions en devises étrangères des enchères, offre un bel exemple d’intégration des technologies de pointe en milieu ancien.
L’évolution du métier de commissaire-priseur
A la question de savoir comment il voit 1992 et l’unification européenne du marché, Jean-Claude Anaf, qui en est réduit aux hypothèses comme l’ensemble de ses confrères, puisque la Chancellerie dont ils dépendent demeure irresponsablement muette, envisage la possibilité suivante: lui-même se situe en organisateur de ventes publiques, son aspiration serait la libéralisation à outrance en termes de commerce. Pourtant, ce qu’il veut conserver, c’est cette possibilité, que n’offrent pas les Anglais entre autres, de donner une garantie aux acheteurs. Il dit: «Je suis contre le monopole et aimerais être libéré des instances supérieures.»
En fait, il serait pour une «scission entre la profession de commissaire-priseur dépendant de l’autorité publique et la profession à caractère commercial de ceux qui recherchent la compétition internationale».
De surcroît, une possibilité d’envergure accrue passerait, selon lui, par une nouvelle conception de la capitalisation au sein des études. C’est ainsi que, dans les nouveaux statuts qui vont être mis en place, il est favorable au projet émis «qui permettrait aux études d’avoir 25 à 30% d’apport de capitaux privés, pourvu qu’ils soient étrangers à la profession. Agir en pool avec des banques, de grands laboratoires pharmaceutiques, des compagnies d’assurances ou bien, même, avec des maisons de ventes étrangères permettrait une plus grande ampleur de champ d’action.»
Lyon et les ventes aux enchères
Lyon est située à un carrefour entre Londres, Genève et le Midi, Maître Jean-Claude Anaf pense « que le marché parisien est engorgé et que Lyon peut être une alternative. D’autant que son échelle plus humaine permet au vendeur de suivre mieux son objet et l’évolution du marché. Je serais ravi d’accueillir pour des ventes ponctuelles les maisons étrangères. J’aime Lyon, et mon but est de faire de cette ville un passage obligé pour toute vente publique importante qui permette de la promouvoir. Je ne pense pas, pour y arriver, qu’il faille faire partie d’un groupe. Je trouve les GIE ridicules. Ces groupements n’empêchent en rien que chacun soit pour soi et entravent la liberté d’action.»
Ouvert à tous, ce commissaire-priseur entend, à côté des ventes de prestige, auxquelles il donne une ampleur internationale, continuer à vendre des petits objets charmants, de la «drouille» selon son expression imagée. Réunirdes objets de toutes sortes et faire une grande vente continue pendant deux ou trois jours. Cette dualité, on la retrouve partout chez lui. Venez un lundi. L’atmosphère qui vous y est offerte ne laisse pas de déconcerter. A côté de cette salle des pas perdus somptueuse, dont les écrans électroniques se sont éteints, juste à l’entrée, vous voyez une rangée de chaises. Toutes occupées par des gens de tous âges, l’un avec un gros paquet enveloppé de papier kraft, l’autre avec un tableau que l’on devine sous une couverture rayée. Ils sont là à attendre, comme ils le feraient chez le dentiste ou chez leur médecin de famille, que Me Anaf, enfermé avec un objet et son propriétaire dans une guérite de verre, ausculte leur bien. Le commissaire- priseur se lève. Il se produit un mouvement dans cette foule assise. Il raccompagne à la porte le collectionneur avec lequel il était en train de s’entretenir. Et c’est au tour suivant, que l’on.revendique poliment mais fermement.
Il tient beaucoup à ces contacts. Il dit: «J’aime les gens. J’estime que le commissaire-priseur doit demeurer accessible à sa clientèle. Pour moi, je suis à leur disposition tous les lundis. J’estime que le contact direct est essentiel.» Humain, peu mondain, se dévouant à son métier et à ses amis, Jean-Claude Anaf, ayant réalisé l’équilibre en lui, bien enraciné dans le sol lyonnais, est prêt à entrer dans les hautes sphères de la compétition internationale, étant de ceux qui, loin de redouter les mutations de 1992, y aspirent.
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