Le dilemme du hérisson est une métaphore qui illustre un conflit interne que beaucoup expérimentent : la recherche d’un équilibre entre le besoin de proximité et le désir de distance pour se protéger émotionnellement. Ce concept permet de décrire les complexités des relations humaines et de comment trouver sa juste place dans une relation.
Une étude de l’IFOP datant de janvier 2024 révèle que 58 % des Français cherchent la solitude et seulement 21 % la fuient. Ces chiffres montrent à quel point le dilemme du hérisson est d’actualité dans notre société. Est-ce une solitude choisie pour se protéger ?
Sommaire
Dilemme du hérisson : origines et histoire du concept
Le terme « dilemme du hérisson » trouve ses racines au XIXᵉ siècle avec le philosophe allemand Arthur Schopenhauer dans son œuvre « Parerga et Paralipomena« . Plus tard, Sigmund Freud reprend ce concept pour parler des dynamiques de groupe dans son essai de 1921.
Le principe est simple, mais profond : les hérissons doivent choisir entre se rapprocher pour se réchauffer et rester éloignés pour éviter les blessures. C’est pareil pour les humains qui doivent trouver le juste milieu dans leurs relations. Le dilemme du hérisson met en lumière la tension constante entre deux besoins humains fondamentaux : la proximité, qui offre chaleur et sécurité, et la protection, qui incite à maintenir une distance.
Une approche relationnelle, pas un trait de caractère
Le dilemme du hérisson n’est pas un trait de caractère, mais plutôt une stratégie relationnelle souvent inconsciente. C’est une réponse à des expériences passées ou des peurs. Ce comportement dépend aussi du contexte. Une personne peut être tout à fait ouverte dans certaines situations et se sentir plus vulnérable dans d’autres.
Exemples de comportements
Deux réactions sont particulièrement courantes chez les individus confrontés au dilemme du hérisson : l’évitement des interactions profondes et une sélection très stricte des personnes avec qui partager des liens étroits.
Cependant, il n’existe pas de profils types facilement reconnaissables. Ces personnes peuvent sembler distantes ou excessivement prudentes, ce qui est souvent interprété à tort comme de la froideur ou de l’indifférence.
Dans un contexte professionnel, certaines peuvent apparaître très sociables, alors qu’elles se montrent extrêmement réservées dans leur vie privée. Par exemple, elles gèrent bien les relations superficielles, mais les choses se compliquent dès que les sentiments deviennent plus sérieux.
En outre, certaines personnes oscillent entre des périodes de recherche intense de proximité et des phases de retrait complet. Cette alternance peut être comparée à une danse entre rapprochement et éloignement. Ce comportement paradoxal peut être difficile à comprendre par l’entourage et entrainer des relations instables.
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Les causes du dilemme du hérisson
Identifier les causes est sans doute le premier pas pour comprendre ce comportement et cesser de culpabiliser. Plusieurs facteurs sont possibles, notamment :
- Expériences passées : une personne qui a vécu le rejet, l’abandon, des trahisons ou des abus, a des cicatrices profondes, consciemment ou inconsciemment. Ces expériences enseignent à l’individu que la proximité conduit à la douleur. Alors, elle sera forcément plus méfiante dans ses relations futures pour éviter de revivre la même chose.
- Situations de vie actuelles : en plus des expériences passées, il y a aussi les étapes de vie charnières que nous traversons tous et qui peuvent influencer notre comportement. Par exemple, le stress en général, les pressions professionnelles, un divorce ou la perte d’un emploi peuvent rendre les gens plus réticents à s’engager émotionnellement, par peur d’une nouvelle perte ou déception.
- Éducation et environnement familial : le style d’attachement développé pendant l’enfance influence grandement la manière dont une personne gère ses relations à l’âge adulte. Par exemple, un style d’attachement insécure, qu’il soit évitant ou anxieux, peut conduire à des difficultés à établir des liens intimes stables. Les parents qui ont été distants ou inconsistants avec leur affection peuvent contribuer à ce type de réactions chez leurs enfants.
- Normes culturelles et sociales : dans certaines cultures, l’indépendance est fortement valorisée et l’expression des émotions, à l’inverse, découragée. Forcément, ces personnes se conforment aux attentes sociales et développent donc des attitudes qui privilégient la distance dans les relations.
Les traits de caractère associés au dilemme du hérisson
Bien que le dilemme du hérisson soit influencé par des facteurs externes et des expériences, certains traits de personnalité peuvent rendre les individus plus susceptibles de ressentir et de réagir à ce dilemme de manière spécifique :
- Introversion : les introvertis, qui trouvent souvent les interactions sociales épuisantes, peuvent préférer maintenir une distance pour préserver leur énergie. Cette distance peut les aider à gérer mieux leurs ressources émotionnelles, mais peut aussi les empêcher d’établir des liens plus profonds.
- Sensibilité émotionnelle : les personnes très sensibles aux émotions peuvent ressentir les expériences négatives plus intensément, ce qui les incite souvent à adopter des comportements protecteurs pour éviter le stress émotionnel.
- Prudence et méfiance : une tendance naturelle à être prudent ou méfiant peut faire qu’une personne hésite à s’ouvrir ou à faire confiance, surtout si des expériences antérieures ont renforcé la perception des autres comme potentiellement nuisibles.
- Besoin de contrôle : ceux qui ont un fort besoin de contrôle peuvent se sentir menacés par les relations étroites, choisissant de maintenir une distance pour éviter de se sentir dépassés ou vulnérables.
- Indépendance : valoriser fortement l’indépendance peut amener à voir les relations étroites comme une contrainte à l’autonomie personnelle, poussant ainsi à un retrait relationnel pour maintenir l’autonomie.
- Résilience : une grande résilience peut parfois conduire à un excès d’autosuffisance, où les individus évitent de dépendre des autres, même dans des situations où le soutien serait bénéfique.
- Pessimisme : avoir une perspective plutôt pessimiste peut inciter à anticiper des issues négatives dans les relations, ce qui conduit souvent à éviter les engagements émotionnels pour se protéger de futures déceptions.
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Quand cela devient-il préoccupant ?
Le dilemme du hérisson devient préoccupant lorsqu’il devient chronique. Il empêche la personne de « fonctionner » normalement et sereinement dans sa vie quotidienne. Par exemple, cela n’a rien à voir avec une période de retrait temporaire suite à un choc, un deuil, un évènement particulier. Le dilemme du hérisson implique une forme de chronicité et de répétition. Il n’est pas toujours lié à un événement externe spécifique, mais fait plutôt partie d’un modèle de comportement général.
Si la peur des blessures émotionnelles empêche quelqu’un de se mettre en couple, de se faire des amis, d’être à l’aise avec sa famille ou ses collègues, cela peut devenir une source de souffrance : anxiété relationnelle, dépression ou isolement social.
Le dilemme et la famille
Cependant, nous avons tous besoin d’un peu de hérisson en nous. Il peut nous protéger dans la sphère familiale par exemple. Même s’il s’agit de votre mère, père, frère ou sœur, certaines personnes sont toxiques. Manipulation, intrusion, critique, culpabilisation, etc. Il est parfois vital de sortir ses épines et de s’éloigner pour préserver sa santé mentale et son bien-être émotionnel.
Ce mécanisme de défense n’est pas réellement une fuite, mais plutôt une forme de résilience et une tentative de créer un environnement plus sain pour soi-même. Dans son récent ouvrage semi-autobiographique, Panayotis Pascot utilise également la métaphore du dilemme du hérisson pour décrire sa relation avec son père, entre proximité et distance.
Sophie Galabru dans son livre « Faire famille. Une philosophie des liens » souligne l’importance de maintenir une distance avec certains membres de sa famille. Elle explique que s’éloigner est parfois nécessaire pour sa propre survie.
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Les approches pour gérer le dilemme du hérisson
Il n’y a pas de recette magique, mais plutôt une compréhension de ses mécanismes et un apprentissage de tous les jours. Si vous pensez que cela affecte vos relations, vous pouvez vous tester certaines stratégies :
- Suivi psychologique : un thérapeute peut vous accompagner pour explorer les racines de ce comportement, travailler sur les styles d’attachement et développer de nouvelles stratégies pour gérer la proximité et la distance dans les relations de manière plus équilibrée.
- Développement de la pleine conscience et de l’auto-compassion : ces compétences permettent de mieux gérer l’anxiété relationnelle, d’accepter ses failles et de cultiver une attitude plus bienveillante envers soi-même.
- Renforcement des compétences sociales : des ateliers ou des formations peuvent aider à améliorer la communication et la gestion des relations.
La lecture est aussi un précieux outil pour faire son cheminement personnel, et accessible à tous.
5 livres pour aller plus loin
- Muriel Barbery : auteure de « L’Élégance du hérisson », ce roman explore profondément les façades austères que les gens construisent pour se protéger des préjugés et des blessures émotionnelles.
- Delphine de Vigan : dans des livres comme « Rien ne s’oppose à la nuit » et « Les Loyautés », elle explore les intrications des relations familiales et amicales, abordant les tensions entre l’intimité et la distance nécessaire pour préserver son propre bien-être.
- Anna Gavalda : dans des œuvres comme « Ensemble, c’est tout », elle traite de la formation de liens improbables entre des personnages très différents, qui apprennent à s’ouvrir et à se soutenir mutuellement tout en gardant leurs propres secrets et distances.
- Leïla Slimani : son roman « Chanson douce » explore les dynamiques complexes entre une nounou et la famille pour laquelle elle travaille, soulignant les tensions entre intimité et invasion, proximité et isolement.
- François Bégaudeau : dans « Entre les murs », et d’autres œuvres, il aborde les relations entre enseignants et élèves, et entre les élèves eux-mêmes, oscillant entre camaraderie et conflit, proximité et distance professionnelle nécessaire.
Pour finir, cette citation de Romain Gary, dans son ouvrage « L’angoisse du roi Salomon », illustre parfaitement le dilemme du hérisson :
Le juste milieu.
Quelque part entre s’en foutre et en crever.
Entre s’enfermer à double tour et laisser entrer le monde entier.
Ne pas se durcir, mais ne pas se laisser détruire non plus. Très difficile.
Naviguer entre l’isolement et l’intimité est donc un art délicat. Bien que le dilemme du hérisson ne soit pas nécessairement grave en soi, il peut devenir problématique si les situations se répètent et qu’on les vit mal. Une chose est sûre, trouver la bonne distance et la juste place dans nos relations est un défi de tous les jours et pour chacun.
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