La phrase « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort » est souvent balancée comme un mantra motivant. On la voit imprimée sur des t-shirts, partagée sur les réseaux sociaux ou entendue lors de discussions philosophiques improvisées.
Mais cette expression, popularisée par le philosophe Friedrich Nietzsche dans son ouvrage Le Crépuscule des idoles, est-elle vraiment comprise dans toute sa profondeur, ou est-elle réduite à un simple slogan ?
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Ce qui ne te tue pas te rend plus fort : une fausse affirmation ?
Nietzsche, connu pour ses idées radicales, évoquait ici une conception de la résilience humaine face à la souffrance. Pour lui, l’adversité était un catalyseur de transformation, un passage nécessaire pour atteindre une forme de grandeur.
Mais ce que Nietzsche voyait comme une vérité philosophique n’était pas une promesse universelle. Tout le monde ne ressort pas plus fort des épreuves. Certaines blessures, qu’elles soient physiques ou psychologiques, laissent des traces indélébiles.
La psychologie moderne nuance largement cette affirmation. Le concept de croissance post-traumatique, développé par les chercheurs Richard Tedeschi et Lawrence Calhoun, suggère que certaines personnes peuvent trouver un sens à leur souffrance et en ressortir renforcées.
Mais cela dépend de nombreux facteurs : le soutien social, les ressources personnelles, et même des aspects biologiques comme la résilience innée.
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Ce qui ne te tue pas te marque peut-être à vie
Et que dire des traumatismes profonds, comme ceux liés à la guerre, aux abus ou à des pertes irréparables ? Dans ces cas, la phrase « ce qui ne te tue pas » peut sembler cruelle, presque insultante.
Pour beaucoup, survivre à de telles épreuves ne signifie pas devenir plus fort, mais apprendre à vivre avec une douleur constante.
Des psychiatres, comme Bessel van der Kolk dans Le Corps n’oublie rien (d’ailleurs, je vous le conseille chaudement, même si vous ne pensez pas en avoir besoin), expliquent que les traumatismes laissent des cicatrices profondes, non seulement émotionnelles mais aussi biologiques, modifiant parfois irréversiblement le fonctionnement du cerveau.
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Une phrase très moderne finalement
Mais alors, pourquoi cette phrase reste-t-elle si populaire ? Peut-être parce qu’elle simplifie un concept complexe : celui de l’espoir face à l’adversité. Elle donne un sens à la souffrance, une perspective rassurante selon laquelle toute épreuve pourrait être utile.
Cette idée résonne particulièrement dans nos sociétés modernes, où la performance et la réussite sont glorifiées.
Mais cette glorification de la résilience peut également conduire à un dangereux culte de l’épreuve, où l’on culpabilise ceux qui ne parviennent pas à « se relever » ou à « tirer une leçon » de leurs expériences douloureuses.
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Ne minimisez pas votre souffrance
Dans un contexte plus personnel, cette phrase peut aussi servir de bouclier, une manière de masquer les blessures et de continuer à avancer. Mais un bouclier reste une protection temporaire.
Ignorer la souffrance, ou la minimiser sous prétexte qu’elle pourrait nous rendre plus forts, peut à long terme engendrer des problèmes de santé mentale, comme le syndrome de l’épuisement émotionnel ou des troubles psychosomatiques.
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Autre lecture possible
D’un autre côté, cette phrase peut faire écho autrement. « Ce qui ne te tue pas te rend plus fort » peut aussi être une manière de dire « ce n’est pas grave » dans un contexte où ce n’est réellement pas grave.
Par exemple, pour reprendre confiance en soi quand on a peur du regard des autres. Elle permet de se souvenir, par exemple, que si une personne vous critique, vous n’êtes pas obligé de prendre sa critique, de l’accepter.
Et vous n’êtes pas obligé de vous tuer vous-même de l’intérieur en vous rendant malade face à cette critique. C’est comme si quelqu’un vous tendait une bouse, vous ne la prendriez pas, si ?
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